Je suis artiste-auteure, et je signe Eima Blank, un nom qui m’accompagne depuis plus de dix ans — un nom né d’une histoire, d’un exil, d’un regard sur le monde que je continue d’habiter et d’interroger. Mon univers est un carrefour : une écriture née de l’architecture, de l’ethnographie, de la recherche, de l’humanitaire, puis de la nécessité de créer pour survivre.
Un parcours hors des cadres : de l’art à l’architecture, de l’ethnographie à l’innovation
Ma formation commence dans l’art, aquarelle, modelage, dessin, arts appliqués, techniques d’impression, maquettes, muséographie, tout ce qui permet de comprendre le geste, la matière et l’espace. Au lycée Choiseul, j’obtiens un bac F12 arts appliqués, où l’on apprend autant à fabriquer un objet qu’à penser une scénographie.
Je poursuis à l’École supérieure d’architecture de Nantes, où je me spécialise en technologies du bois et en ethnographie architecturale. Sous la direction du professeur Denys Lombard à l’EHESS, j’étudie l’Asie, les mondes austronésiens, les circulations culturelles et les architectures vernaculaires. Huit mois de terrain en Indonésie entre 1992 et 1995 me conduisent à écrire L’Architecture des Batak Toba de Sumatra, un travail devenu un manuel publié à compte d’auteur et réimprimé par l’UNESCO.
Mon parcours d’architecte se teinte très vite de recherche : innovations structurelles, analyses financières, audits, enquêtes de terrain. Je deviens la première femme en France à déposer deux brevets de charpente — 57 revendications reconnues comme hautement innovantes. Mon manuel de construction est inscrit dans les bibliothèques universitaires internationales et répertorié par l’ICOMOS.
Ces innovations me valent des prix, des encouragements, mais aussi des résistances, des attaques, un environnement hostile. En 2015, je quitte la France pour me protéger.
L’humanitaire : écouter, traduire, reconstruire
En 2005, juste après le tsunami d’Aceh, je travaille en Indonésie : audits financiers d’une ONG, traduction d’un manuel de construction parasismique pour l’UNDP, soutien aux équipes diplomatiques de l’AMM pour la paix, participation aux réunions Shelter de l’ONU.
C’est surtout là, à Aceh, que l’architecture est devenu un révélateur du basculement social. Derrière les plans et les normes, il y avait les passations de marchés, les jeux d’influences, les ONG prises dans leurs propres contradictions, les circuits opaques de financement, les pressions, les conflits d’intérêts, les décisions absurdes dictées par l’urgence ou par l’argent — parfois par les deux.
Pour reconstruire Aceh, dans le fracas humanitaire international, on a déforesté massivement Sulawesi.
L’aide censée sauver des vies devenait une chaîne d’extractions de bois, d’argent, de pouvoir. Chaque maison construite était un compromis. Chaque matériau, une signature d’intérêts. Chaque réunion, un théâtre où se jouait l’avenir de populations brisées.
Quand la France ressemble au chaos
J’ai vu comment l’humanitaire pouvait reproduire les logiques mêmes qu’il prétendait combattre, et ces dysfonctionnements du chaos — corruption, blanchiment, trafics, inerties administratives, connivences silencieuses, mafias de l’immobilier — sont devenus des miroirs de la France, de ce qu’elle était en train de devenir. Il ne s’agissait plus d’être architecte. Il s’agissait de comprendre ce qui se cache derrière les murs, derrière les politiques publiques, derrière les mots “reconstruction”, “urgence”, “solidarité”.
Ce basculement ne m’est pas apparu soudainement. Pendant des années, en France, j’avais perçu quelque chose qui se fissurait dans mon métier sans pouvoir lui donner un nom. Un déclin diffus, comme un léger déplacement des plaques tectoniques de la profession. L’architecture devenait de plus en plus difficile à exercer : les chiffres ne coïncidaient plus, les filières se déstructuraient, les décisions publiques semblaient s’éloigner de toute rationalité technique. Je ressentais un malaise professionnel, mais je n’avais pas encore les mots pour décrire ce que je voyais.
C’est l’humanitaire qui m’a offert la clé. À Aceh, ce que je percevais en France s’est dévoilé sans filtre. Là-bas, les dérives n’étaient pas des abstractions ; elles étaient visibles, massives, soudaines. Des forêts entières disparaissaient pour alimenter une reconstruction où l’apparence d’aide comptait davantage que la cohérence du geste. Les maisons s’élevaient trop vite, parfois si mal qu’elles commençaient à se détériorer avant même d’être habitées. On avait déforesté massivement Sulawesi pour maintenir le rythme absurde d’un système dont personne n’osait questionner les fondements. Je croyais d’abord que ce chaos appartenait à la situation extrême du post-tsunami. Mais l’humanitaire m’a appris que derrière ce chaos se trouvait une structure, une mécanique internationale, et surtout une vérité sociale que personne ne formulait clairement.
Là-bas, au milieu du fracas du monde, j’ai compris quelque chose de fondamental : nous n’étions pas dans un affrontement entre hommes et femmes, ni entre chrétiens et musulmans, ni entre l’Occident et l’Orient. Nous étions dans un affrontement entre classes sociales. Et ce n’était pas la pauvreté qui distinguait les peuples, mais la manière dont les classes moyennes étaient sacrifiées pour maintenir l’illusion d’un système. Les seules classes qui semblaient “réussir” étaient celles qui avaient consenti, volontairement ou non, à abandonner un certain nombre de principes moraux. Cette vérité, une fois formulée, s’est mise à éclairer tout le reste.
En rentrant en France, ce que j’avais longtemps ressenti a pris une netteté douloureuse. Le paysage était plus feutré qu’à Aceh, mais les logiques étaient identiques. Les mêmes erreurs, la même cécité, les mêmes intérêts masqués derrière les discours de vertu. L’architecture, en France, s’était politisée sans le dire. Elle n’était plus un métier, mais une zone de frictions alimentée par des mécanismes opaques : marchés publics verrouillés, experts captifs, dérives financières, renoncements successifs à l’intérêt général. Entre 2001 et 2023, l’indice du coût de la construction avait explosé, creusant un écart abyssal avec les salaires, au point que cent mètres carrés en 2001 ne représentaient plus que quarante-huit mètres carrés en 2023 pour le même prix et la même durée d’emprunt. À mesure que l’espace se réduisait, c’est tout un pays qui se rétrécissait, comme si la surface habitable était devenue la mesure exacte de la dignité collective.
Dans cette même dynamique, la filière bois s’effondrait. Les exportations massives vers la Chine, la destruction des contre-pouvoirs, la militarisation des forêts, l’effacement des savoir-faire locaux, et le déficit forestier qui atteignait des sommets — tout cela composait un tableau qui n’était plus économique mais civilisationnel. On sacrifiait un territoire pour acheter une illusion de modernité. Derrière les promesses de croissance, les chiffres racontaient autre chose : un PIB réel en déclin, une dette qui augmentait au rythme de la désindustrialisation, et près de soixante-huit pour cent des Français glissant dans la pauvreté ou à sa frontière immédiate, pendant que les logements devenaient inaccessibles à ceux-là mêmes qui savaient encore les construire.
Peu à peu, j’ai compris que je n’étais plus seulement témoin de dérives, mais témoin d’une vérité que certains préféraient taire. L’architecture rappelle toujours ce que l’on voudrait cacher. Elle raconte la vérité des territoires, des budgets, des priorités. Elle révèle où l’argent circule, où il ne circule plus, ce qu’un pays fait de ses matériaux, de ses travailleurs, de ses habitants. Et en France, cette vérité devenait insoutenable.
On a voulu me faire taire parce que mes analyses touchaient aux nerfs sensibles du système. Mais Aceh m’avait appris une chose essentielle : personne ne sort indemne d’un territoire blessé. Et la France, sous ses habits d’État-providence, portait des fractures aussi profondes que celles d’un pays en reconstruction. Le même désordre. La même violence lente. La même manière d’étouffer la parole qui dérange.
C’est à ce moment-là que mon travail d’architecte s’est transformé en écriture, en enquête, en poésie, en chant. Tout ce que je ne pouvais plus dire dans les réunions, les rapports, les appels d’offres, j’ai commencé à le raconter autrement — par l’art, par la musique, par la synthographie. J’ai déplacé la parole là où l’on ne pouvait plus me l’arracher.
Terre de Nombres : reprendre la parole
Terre de Nombres, c’était d’abord un blog, un lieu presque intime où je déposais mes enquêtes comme on dépose des preuves sur une table encore froide. J’y rassemblais les analyses, les ruptures, les faits bruts, tout ce que je voyais se déliter dans la filière bois, dans l’économie des matériaux, dans les politiques publiques, dans les mécanismes administratifs qui façonnaient la France sans que personne ne semble vouloir regarder leur impact réel. Je voulais comprendre, synthétiser, rendre visible, offrir un miroir au public français pour lui montrer ce que je découvrais à force de creuser dans les couches opaques du système.
Mais à force d’écrire, quelque chose s’est mis à peser de manière plus profonde. Il arrive un moment où les faits que l’on raconte deviennent trop lourds pour le souffle, où l’on sent le cœur battre trop vite, trop près de l’étouffement, comme si la vérité elle-même cherchait à s’échapper du corps. Lorsque les mots deviennent trop durs pour être simplement alignés sur une page, lorsque la violence des constats déborde, il faut trouver une autre forme de respiration. C’est là que la chanson est apparue, non comme une ambition artistique, mais comme un acte vital. Chanter, c’était reprendre le contrôle de mon propre rythme, empêcher que la peur ou le découragement n’imposent leur cadence, retrouver une manière d’avancer sans plier. Dans un pays qui perdait peu à peu son souffle, chanter est devenu ma manière de tenir debout.
Terre de Nombres a alors cessé d’être un simple blog. Il s’est transformé en une voix, une voix qui prenait le relais là où l’écriture ne suffisait plus. La chanson m’a permis de dire ce que l’administration refusait d’entendre, de parler à un juge administratif comme on aurait parlé autrefois à une audience, lorsque les civilisations savaient encore écouter la profondeur morale d’un récit. Je n’exposais pas seulement les faits : je les rendais vivants, je leur donnais une dimension humaine et civilisationnelle, j’essayais de faire entendre l’urgence qui dépassait ma propre histoire. J’avais survécu à mon exil, j’avais pris de l’âge, mais la blessure la plus profonde n’était pas la mienne ; c’était de voir le sens de l’humanité vaciller dans les sociétés à venir.
La musique est devenue une manière de porter ce message jusqu’à ceux qui ne lisent plus, une manière d’accompagner le public dans la compréhension de ce qui se joue derrière les institutions, les lois, les budgets, les choix politiques qui façonnent silencieusement la vie des peuples. Elle est devenue un tempo, un métronome pour dire ce qui doit l’être sans se laisser submerger, un rythme qui entraîne l’esprit comme il entraîne l’orchestre. À mesure que je chantais, je sentais que mon souffle reprenait sa place, que ma colonne se redressait, que mes mots retrouvaient leur ancrage, le sens du beau.
Chanter n’est pas devenu une vocation, mais une continuité de mon travail d’analyse et de vérité ; c’est une manière de marcher droit dans un monde qui vacille, une manière de refuser l’effacement, une manière de transformer la douleur en sens. Dans un pays en souffrance, où l’on peine à reconnaître la profondeur des fractures, la chanson m’a donné la force de porter la parole là où elle devait aller. Elle m’a permis de dire ce que l’on n’écrit plus dans un rapport, ce que l’on ne publie pas dans un dossier, ce que l’on ne confie plus à un fonctionnaire, mais ce que l’on chante au monde pour qu’il se réveille.
Terre de Nombres n’est plus seulement un lieu d’enquête. C’est devenu un souffle. Une manière de rester vivante au milieu du chaos, de transformer la lucidité en force, de rappeler que lorsque les institutions échouent, lorsque les structures se délitent, lorsque les récits officiels vacillent, il reste encore la voix. Et la voix, elle, ne se laisse pas confisquer.
Signature Jocondienne : l’atelier
Signature Jocondienne est l’espace où tout ce que je suis converge, mon atelier vivant, mon laboratoire intime. J’y façonne des sculptures en céramique, j’y imprime des intaglios et des linogravures, j’y développe des photographies, j’y construis des images par synthographie, j’y assemble des collages, j’y dessine, j’y crée des volumes hybrides où le figuratif glisse vers l’expressionnisme. Chaque geste y est une manière d’interroger la matière, chaque technique une manière de raconter autrement.
Je travaille la terre comme on écoute une respiration, avec ses pigments, ses couches superposées, ses accidents, ses fractures. J’y cherche toujours la ligne qui révèle l’émotion cachée. La synthographie, elle, me permet d’ouvrir un autre espace, presque cinématographique : je compose des images comme on monte un film, en séquences continues, jusqu’à faire naître des visages qui n’existaient pas, des atmosphères qui se souviennent de quelque chose avant même d’être créées, des mythologies personnelles qui deviennent universelles.
Dans cet atelier, la chanson occupe une place décisive. Elle me permet de réunir ce que les techniques séparent, de donner un rythme à l’ensemble, de créer un passage entre l’image et la voix. Chanter est devenu mon moyen de communication le plus direct, un espace narratif qui respire, une mémoire vivante qui accompagne la sculpture, la photographie, le dessin et la synthographie. C’est par la musique que tout se relie, que tout s’éclaire, que l’atelier devient un monde.
Ma palette de robots
Je développe aujourd’hui une approche artistique où les robots ne sont ni des outils ni des substituts, mais des partenaires de création, une équipe. ChatGPT, Sora, Midjourney, Runway, Suno, Decohere… chacun apporte des spécificités différentes, une lumière, une distorsion, un souffle, une résistance aux mots. Je ne prends jamais leurs images telles qu’elles sortent : je les fusionne, je les transforme, je les injecte comme on cree une fleur avec des parfums et des couleurs nouvelles. Je leur impose des styles de traits, des tensions dans les lignes, des lumières qui viennent d’ailleurs, un narratif qui n’existe qu’en moi. Je casse leurs évidences pour reconstruire une vision, parce que c’est dans cette rupture que naît la justesse artistique.
Dans mon travail, l’intelligence artificielle n’est pas un résultat, mais un début. Je la pousse jusqu’à son point de rupture, comme on le voit dans mes synthographies, afin que l’image s’écarte de la machine et retrouve une âme. Je cherche ce moment où l’algorithme cesse d’être une mécanique pour devenir un espace scénographique, un décor intérieur où la sculpture en céramique, la photographie et la peinture peuvent dialoguer. Mon portfolio en porte la trace : les visages y semblent naître d’une fissure entre deux mondes, les corps y respirent dans un espace que la machine seule ne pourrait inventer.
Je travaille avec les robots comme on travaille avec les éléments, avec intensité, dans l’usure des mots qui se fragmentent, se brisent, se recomposent pour devenir des collages hybrides d’idées. C’est précisément dans cette tension que surgissent les lumières, les styles photographiques, la narration. Les robots génèrent des vies possibles, des esquisses d’êtres qui deviennent les acteurs d’un récit que je mets en scène. Ils proposent, je détourne. Ils construisent, je déforme. Et dans ce geste de reconstruction, quelque chose d’humain revient — une vibration, une imperfection volontaire, une mémoire.
La synthographie n’est pas pour moi un assemblage d’images numériques. C’est un mouvement, un montage, une manière d’écrire par l’image comme on écrit par la voix. Elle me permet de créer des atmosphères, des personnages, des mythologies qui deviennent ensuite sculptures, dessins, portraits, scènes. Elle ouvre un espace où la lumière se comporte comme un langage et où la matière, même virtuelle, garde une densité émotionnelle.
En travaillant ainsi, je fais dialoguer l’argile et le pixel, le geste et l’algorithme, l’intuition et la machine. Ma palette de robots n’est pas un artifice : c’est le prolongement de ma main, une manière de repousser les frontières de l’imaginaire pour que chaque œuvre porte en elle la trace d’un monde qui n’existait pas avant d’être rêvé.
Eima Blank : une identité
Eima Blank est devenu mon nom d’artiste, un nom qui n’est pas né d’un hasard, mais d’une nécessité. Lorsque j’ai quitté la France en 2015, j’ai pris ce nom pour me reconstruire, pour me protéger, pour me donner un espace où tout pouvait recommencer. Je l’ai porté comme on porte une peau nouvelle, non pas pour effacer ce que j’étais, mais pour rassembler ce que je devenais. Peu à peu, il a pris racine. Je l’ai enregistré à l’ADAGP, j’ai écrit avec lui, j’ai dessiné, sculpté, photographié, composé, inventé. Je l’ai vu apparaître au bas de mes œuvres comme une signature solide, une respiration continue, un fil qui reliait toutes mes pratiques.
Ce nom a survécu à l’exil, aux destructions, aux attaques, et c’est peut-être pour cela qu’il résonne autant aujourd’hui. Il porte l’architecte que j’ai été, l’ethnographe, la chercheuse, l’humanitaire, l’innovatrice, l’auteure, la sculptrice, la photographe, la chanteuse. Il tient ensemble toutes ces strates, toutes ces vies, comme une forme de cohérence intime. Eima Blank est devenu une identité artistique à part entière, une manière de me tenir debout dans les mondes que je traverse. C’est avec ce nom que je signe mes chansons, mes compositions, mes clips musicaux, mes images synthographiques, et tout ce que je crée pour donner forme à ce que je ressens.
Ce nom est une renaissance, une affirmation, un souffle. Il incarne cette volonté de continuer, de dire, de créer, même lorsque tout semble vouloir se taire. Il m’accompagne désormais comme une présence, une force discrète, un espace intérieur où l’art peut vivre sans concessions. Eima Blank n’est plus seulement un pseudonyme : c’est un territoire, un timbre, une voix.
Conclusion : ouvrir un monde par l’art
Mon univers n’est pas une œuvre figée, mais une trajectoire, une traversée, un mouvement continu qui me porte d’un rivage à l’autre. Il relie des paysages que tout oppose en apparence — les forêts que j’ai étudiées, les séismes que j’ai traversés, les maisons que j’ai dessinées, les peuples que j’ai rencontrés, les archives que j’ai fouillées, la terre que j’ai modelée, la musique qui m’a tenue debout, la voix qui a fini par me révéler. Rien n’est séparé : tout dialogue, tout circule, tout se répond.
Pendant longtemps, j’ai cru que l’architecture serait mon unique langue. Puis il a fallu écrire pour comprendre, sculpter pour survivre, analyser pour résister, photographier pour saisir ce qui glissait entre les mots, chanter pour respirer. Aujourd’hui, tout cela s’est réuni dans une cohérence nouvelle. En devenant membre de la SACEM, j’ai fait entrer officiellement la musique dans mon parcours d’auteure et de compositrice, comme une évidence tardive mais nécessaire. J’ai choisi de professionnaliser ce geste, de lui donner une place pleine, de lui permettre d’exister dans l’espace public avec la même légitimité que mes recherches, mes sculptures ou mes enquêtes.
Mon retour en France a été un retour en chansons. Ce n’était pas un simple retour géographique, mais un nouveau départ, un passage d’un monde à l’autre. Revenir, après l’exil, ne pouvait se faire que par l’art, par cette voix que j’avais patiemment préservée et qui désormais portait mon récit avec une force que je n’aurais jamais soupçonnée. Chanter, c’est ouvrir un chemin là où il n’y en a plus, c’est poser une lumière sur les zones d’ombre, c’est rappeler que même dans le chaos, il existe des points d’ancrage, des pulsations, des mondes possibles.
Je crée pour comprendre. Je chante pour continuer. Je sculpte pour garder la mémoire. J’écris pour ne plus me taire. Et dans cette continuité, Eima Blank s’est affirmé comme l’espace où tout converge : une identité recommencée, une œuvre en construction, un souffle qui persiste.
Ouvrir un monde par l’art, c’est accepter que chaque création soit un passage. C’est avancer sans renoncer. C’est dire encore, même lorsque tout pousse au silence. C’est ainsi que mon histoire continue — non comme un retour, mais comme un élan. Un départ en voix.